Il
semblait donc qu’au milieu de la nuit, de manière tout à fait préméditée, Lydie
se fût préparée tranquillement, avec le plus grand calme, certainement pas sous
la pression d’un éventuel visiteur. Une fois prête, elle avait ouvert la
fenêtre de sa chambre située au rez-de-chaussée, avait sauté sur la pelouse et
s’était enfuie vers un lieu connu d’elle seule, et sans oublier sa peluche.
— Est-ce que vous aviez remarqué
quelque chose de particulier chez votre fille, un changement de comportement
par exemple ? demanda Trumel, avec une délicatesse peu naturelle chez lui.
La mère fondit en larmes.
— Elle se réveillait parfois la
nuit… Elle semblait rêver beaucoup… ajouta la mère d’une voix entrecoupée de
sanglots.
Le commandant se tourna vers moi,
m’incitant à intervenir.
— Est-ce qu’elle vous parlait de ses
rêves ? Rêves ou cauchemars, d’ailleurs ? demandai-je.
Madame Martin recouvrait ses
esprits. Parler de sa fille redonnait force à sa raison.
— Non, elle n’en disait rien. Je ne
pense pas que c’étaient des cauchemars, elle dormait toujours paisiblement.
Les larmes coulaient sur ses joues
rosies par l’émotion.
Un silence pesant et gêné s’installa
dans la chambre de Lydie où nous nous trouvions. Monsieur Martin tentait de
consoler son épouse en caressant ses cheveux bruns, son visage réfugié au creux
de son épaule.
Elle releva la tête, sécha ses
larmes avec un mouchoir en tissu très fin.
— Mais… trois nuits, il m’est arrivé
de coller l’oreille à la porte de sa chambre. J’entendais des mots, prononcés
indistinctement pendant son sommeil, toujours les mêmes : volcan, pierre
brillante, feu, arbre.
Elle
avait dit cela avec des yeux effarés, nous regardant l’un après l’autre, comme
si elle avait peur d’être ridicule. En effet, que venait faire le volcan dans
cette affaire ? Il est vrai que Lydie était née l’année de la fameuse
éruption volcanique. C’était la deuxième fois qu’on incriminait le volcan
depuis mon débarquement sur l’île.
À cet instant, le stagiaire Yves
Canet revint du parc. Il marqua un temps d’arrêt sur le seuil de la chambre, se
rendant compte qu’il arrivait à un mauvais moment. Tous les regards convergèrent
vers lui. Ce qui, évidemment, ne rehaussa pas le peu de confiance qu’il avait
en lui.
— Est-ce que tu as trouvé quelque
chose ? demanda la gendarme Claire Borel.
Immobile et sans voix, dans
l’embrasure de la porte de la chambre, il tendit la main ouverte. Elle
contenait cinq petites pierres, comme cinq osselets, noires, brillantes comme
du verre.
Le commandant Trumel intervint, un
peu sèchement, rompant ainsi l’atmosphère de confidence que j’avais réussi à
installer.
— Yves… Pourquoi nous ramènes-tu ces
cailloux ?
— Commandant… Je les ai trouvés…
Quand j’étais petit, je jouais aux osselets… Je me suis dit que Lydie aussi…
— Encore cette fichue
caillasse !
Je reconnus la pierre d’obsidienne,
exploitée sur l’île.
— Où avez-vous trouvé ces
petites pierres ? demandai-je en levant la main vers le commandant, le priant
ainsi de me laisser parler.
— Sur le banc en pierre, dans le
parc, sous le vieux chêne.
Ce fut au tour de la gendarme
d’intervenir, réalisant que cette « caillasse » en obsidienne pouvait
avoir son importance.
— Comme ça, posées là, sur ce
banc ?
— Elles étaient bien alignées, dans
la direction du volcan.
— Tu aurais dû les laisser en place,
prendre une photo, reprocha Trumel.
— Excusez-moi, commandant, je
croyais…
Que signifiait cet alignement de
cinq pierres d’obsidienne dans la direction du volcan ? Quelle était
l’intention de Lydie en les disposant ainsi ?
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