critique reproduite avec l'aimable autorisation de l'auteur

Suite à un changement d’éditeur, le Prix Lacour de l’Imaginaire est devenu le Prix Imaginéreïah. En effet, ce prix récompensant un manuscrit inédit  et chapeauté par Josette Iss, Nadia Harley et Raymond Iss, n’est plus édité par les éditions Lacour sises à Nîmes, mais bien par les éditions Néreïah sises à Haroué en Meurthe et Moselle. Cela, dans une collection propre où d’autres manuscrits inédits remarquables peuvent être publiés, et avec un visuel qui n’a pas changé de Nîmes à Haroué.  Le prix Imaginéreïah 2016 revient à une écrivaine, Hélène Cruciani.   

Tout de suite cette constatation : si on considère tous les lauréats du prix, nous trouvons trois dames pour un seul homme ( Yvette Auméran, 2012, pour Le Chant du Strigoï ; Brigitte Dujon, 2013, pour Vers les Terres Insoumises, Eric Lysoe, 2014, pour Les Tambours du Vent, pas de prix en 2015, ce qui montre l’exigence du jury, Hélène Cruciani, 2016, pour 11 Septembre 2061). Si l’on considère en outre les deux ouvrages remarquables retenus pour publication ( Paysages d’Après de Sonia Quémener, 2013, et Si Einstein était une Fille d’Hélène Laly, 2014), nous trouvons ... cinq écrivaines pour un écrivain. Je ne sais si la femme est bien l’avenir de l’homme ;  ce dont je suis désormais certain c’est que la femme est l’avenir de la science-fiction. Et que la découverte de nouveaux talents passe par la micro-édition. Passons au roman d’Hélène Cruciani. 

Le sujet en est ambitieux : pourquoi les attentats du 11 septembre 2001 ont-il eu lieu, ou plutôt, pour quoi les services de renseignements américains, CIA en tête, n’ont pas pu les empêcher ? Cela, en écartant bien sûr toute thèse complotiste, du style : ce sont les Américains eux-mêmes qui ont monté l’affaire, pour mieux envahir ensuite l’Afghanistan et l’Irak ! Le roman se présente comme un puzzle qui se met en place progressivement et dans lequel la petite histoire se mêle à la grande et même la provoque involontairement.  Un secret de famille enfin dévoilé expliquera pourquoi, alors que les attentats auraient dû se produire en octobre, ils ont été avancé d’un mois, prenant de court les services américains.

2061 :  une technique nouvelle « l’évulsion », permet de conserver intacte la mémoire d’un défunt. Mémoire complète que l’on peut lire en livret ou visionner en film. Cette technique est encore interdite. Mais elle est pratiquée secrètement par des groupes dits « chasseurs de mémoire » aidés par des infirmiers que l’on soudoie pour qu’ils pompent la mémoire de vieillards mourants. Ainsi leurs descendants conserveront leurs meilleurs souvenirs. Après tri. Le roman multiplie les personnages dont voici les deux principaux, deux cousines qui travaillent pour le même groupe de chasseurs de mémoire,  Past-is-Light : Clarence Atkins-Scott, assistante médicale, blonde et boulotte, qui travaille dans un hôpital de Miami et qui peut, avec la complicité d’un infirmier, récupérer la mémoire de certains malades ; Katherine Devonshire, une historienne brune et bien roulée, qui travaille au siège même de Past-is-Light. Leur grand-mère commune Destiny  se pose plein de questions sur le 11 septembre 2001. Alors elle était la jeune mère d’un petite fille (la mère de Clarence), alors son mari, Trevor,  et son beau-frère,  Gabriel, tous deux pompiers, ont péri peu après l’écroulement des  tours du World Trade Center, l’un pour avoir avalé trop de poussière, l’autre d’un cancer. Mais pourquoi Destiny a-t-elle divorcé très vite avant la mort de son mari, pourquoi a-t-elle entrepris des recherches sur les circonstances exactes de l’écroulement des tours, que soupçonnait-elle ? La clef du mystère se trouve-t-elle dans la tête d’un ancien membre de la CIA qui se meurt dans un hôpital de Miami ?

Tout le roman est rythmé par la visite, le 11 septembre 2061, de la Tour qui a remplacé celles du WTC.  Avec, dans le groupe des visiteurs, des personnages étranges, comme un faux journaliste  vrai parachutiste, ou une certaine Ayesha, qui réussit à faire effacer en douce , sur la liste des victimes du 11 septembre, les noms de Trevor et Gabriel Atkins. Et pourquoi transporte-t-elle un revolver dans son sac à main ?

Il y a beaucoup de fausses pistes dans ce roman : celle d’un mystérieux cratère au Groenland, dont on ne saura rien, celle d’un tout aussi mystérieux restaurateur qui aurait dû prendre le désormais tristement célèbre vol 93 et qui s’est fait remplacer in extremis.  

Conclusion : on ne s’ennuie jamais à la lecture de ce roman (trop ?) foisonnant.

Née en 1966, ingénieure , diplômée des Arts du Spectacle, collaboratrice de la Compagnie de marionnettes cannoise Arketal, Hélène Cruciani a déjà publié plusieurs nouvelles et un roman (Expéron, chez Griffe d’Encre, 2008). On attend avec impatience sa prochaine production.

 

 

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11 SEPTEMBRE 2061
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