DESTINY

« Grace est l’enfant d’une tragédie », lança-t-elle soudain, d’une curieuse voix de tête. « Je l’ai dit et redit à Clarence !
— Oui, bien sûr, souffla la jeune femme, ne t’énerve pas.
— Pourquoi son père est allé au World Trade Center, hein ? s’étrangla la vieille dame de plus belle. Pourquoi ?
— Tu le sais bien, mémé, répondit l’historienne d’un ton patient : il est allé aider.
Âgée de vingt-quatre ans en 2001, Destiny Atkins, née Pavatea, était mère depuis huit jours lorsque les attentats avaient eu lieu ; sa petite Grace dans les bras, elle avait passé les trois semaines suivantes à sangloter devant les décombres du World Trade Center. Cet événement tragique avait en effet profondément éprouvé sa nature frêle et anxieuse, fragilisée encore par une grossesse et un accouchement difficiles. Son époux, Trevor Atkins, pompier de New York, ainsi que son beau-frère Gabriel, policier de la NYPD, avaient pourtant survécu à l’écroulement des deux tours.

N’étant pas en service ce jour-là, le premier n’avait rejoint son frère sur les lieux que tardivement, puis tous deux avaient échappé de justesse à la catastrophe alors qu’ils tentaient de secourir un blessé évanoui au bas de la tour nord. Était-ce la peur que la jeune mère avait éprouvée pour eux qui l’avait tant ébranlée ? Un traumatisme d’enfant qui à l’occasion du drame avait ressurgi ? Ou bien un autre type de fêlure psychologique ? Katherine ne l’avait jamais compris. Une seule chose était sûre : le trouble de stress post-traumatique – fait d’insomnies, crises de panique, épisodes dépressifs… – que les deux hommes avaient, comme des milliers d’Américains, peu à peu surmonté, avait ouvert en sa grand-mère une brèche qui ne s’était jamais refermée. Sa vie durant, Destiny avait souffert de spleen, angoisse et obsessions qui n’avaient cessé d’altérer son comportement et déstabiliser ses proches.


cruciani

Retour

11 SEPTEMBRE 2061

cruciani extraitsCLARENCE

cruciani extrait2 KATHERINE

cruciani extrait3 DESTINY


 

cruciani